Analyse - Assemblée nationale

Les inégalités hommes-femmes à l'Assemblée nationale

Le 24 janvier 2023

Mon dernier article sur l'Assemblée nationale (que vous pouvez lire ici) portait sur l'humour au sein de l'hémicycle. On a vu que le nombre de rires et de sourires provoqués est très inégal entre les différents groupes de l'Assemblée nationale, les députés du groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine) faisant le plus rire, tandis que le groupe Horizon provoque peu de sourires. J'ai aussi fait une analyse des députés les plus mentionnés par mon compte Twitter @OutOfContext_AN, qui publie chaque jour les extraits de comptes-rendus les plus drôles et étonnants des débats de l'Assemblée nationale.

Dans la liste des 20 députés les plus mentionnés, seules 2 étaient des femmes. Pourtant, l'Assemblée est composée à 37% de femmes. Cette sous-représentation des femmes n'est pas passée totalement inaperçue, et la députée LFI Raquel Garrido a même répondu par le tweet suivant, suggérant de se pencher sur la division du temps de parole entre les hommes et les femmes à l'Assemblée nationale.

Je me suis dit que c'était une bonne idée, et c'est ce qu'on va faire aujourd'hui. Comme je ne peux pas vraiment mesurer le temps de parole puisque j'utilise les données des comptes-rendus, je vais utiliser comme approximation le nombre de mots prononcés par les députés.

L'Assemblée nationale a connu dans son histoire beaucoup de comportements sexistes, comme en 2012 lorsque Cécile Duflot fit l'objet de sifflets parce qu'elle portait une robe à fleurs, ou plus récemment en 2021 quand la députée Mathilde Panot s'est fait insulter de "Poissonnière" au sein de l'hémicycle. Ce type d'agissements semble de plus en plus rare à l'Assemblée, même si certaines députées dénoncent encore des comportements sexistes. Cet article n'est pas là pour déterminer s'il y a encore du sexisme à l'Assemblée, mais pour étudier les différences de comportement entre les hommes et les femmes à l'Assemblée nationale au travers des données des comptes-rendus.

Dans ce qui suit, j'ai utilisé tous les comptes rendus de la XVIe législature de juillet 2022 jusqu'à décembre 2022. J'ai exclu les membres du gouvernement pour ne considérer que les députés en exercice. Pour chaque intervention d'un député, j'ai récupéré l'information de son genre (homme ou femme), ce qui permet d'étudier les différences en nombre de mots prononcés entre ces deux catégories.

La parité dans l'hémicycle

La principale raison de l'inégalité en temps de parole entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale est sa composition. Historiquement, il y a toujours eu plus d'hommes députés que de femmes. Les premières femmes députées n'arrivent d'ailleurs qu'après la Seconde Guerre mondiale, lors des Assemblées constituantes de 1945 avec 5.6% de femmes élues parmi les constituants. Ce pourcentage ne dépassera pas 10% avant la XIe législature de la Ve République en 1997. L'évolution complète de la parité à l'Assemblée nationale est disponible sur la page Wikipedia à propos des femmes à l'Assemblée nationale.

Le graphique suivant rapporte l'évolution de la parité parmi les députés depuis 2002 d'après les statistiques du site datan.fr. La XVe législature (2017-2022) reste celle avec le plus de femmes députées (41%) mais la parité n'est pas encore atteinte. La XVIe législature contient quant à elle 37% de femmes députées.

Évolution de la parité à l'Assemblée nationale depuis 2002

Si on regarde la parité dans chaque groupe politique de l'Assemblée, on constate que la parité varie beaucoup selon le groupe, allant de 15% pour le groupe Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) à 57% pour le groupe Écologistes, qui est le seul groupe avec plus de femmes que d'hommes.

Parité dans chaque groupe de l'Assemblée nationale

Si les femmes sont moins représentées parmi les députés de manière générale, elles sont plus nombreuses au sein du bureau de l'Assemble nationale, avec 55% de femmes. C'est encore plus frappant pour la présidence de l'Assemblée nationale, puisque la présidente de l'Assemblée nationale est une femme, Yaël Braun-Pivet, et c'est la première à occuper ce poste. De plus, 5 des 6 vice-présidents de l'Assemblée nationale sont également des femmes. Le reste du bureau inclut les questeurs et les secrétaires de l'Assemblée nationale.

En revanche, il n'y a que 32% de femmes au sein de la conférence des présidents, qui réunit la présidente de l'Assemblée, les vice-présidents, les présidents des commissions permanentes et de la commission des affaires européennes, les rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, et enfin les présidents des groupes de l'Assemblée nationale. Parmi les 10 groupes de l'Assemblée, 4 ont actuellement une femme pour présidente (LFI, Renaissance, RN et Écologistes).

Parité dans les instances de l'Assemblée nationale

Le temps de parole

Le temps de parole est un indicateur important de la présence des femmes dans l'espace public et politique. En effet, plus les femmes parlent, plus elles sont visibles et plus elles sont entendues. Évidemment, si on regarde le temps de parole total des hommes et des femmes, les hommes parlent beaucoup plus puisqu'ils sont plus nombreux. Il convient donc de diviser le temps de parole total de chaque groupe (hommes et femmes) par son nombre de députés pour obtenir le temps de parole moyen d'un homme député et d'une femme député. Je précise qu'on utilise ici le nombre de mots prononcés comme approximation du temps de parole. On obtient alors les résultats suivants, avec quasiment la même moyenne pour les hommes et les femmes.

Nombre moyen de mots prononcés par député

Malheureusement, il y a un petit piège. En effet, parmi les présidents de séance (la présidente de l'Assemblée et les vice-présidents), il y a 6 femmes et 1 homme. Or, ce sont ces 7 députés qui parlent le plus dans l'Assemblée. C'est logique, puisqu'un président de séance doit intervenir tout au long de la séance, par exemple pour donner la parole aux députés, ou pour annoncer les votes. Le graphique suivant montre que le nombre de mots prononcés par les présidents de séance (en tant que président de séance) correspond à 7.5% du total des mots prononcés en séance publique et près de 9% du nombre de mots prononcés par tous les députés.

Distribution du nombre de mots prononcés

Dans les graphiques qui vont suivre, j'ai donc retirés de l'analyse ces 7 députés pour simplifier les choses. Il ne reste donc plus que 570 députés. Si l'on regarde le nombre moyen de mots prononcés pour ces députés restants, on trouve des chiffres bien différents : un député homme a prononcé en moyenne 40% de mots de plus qu'une députée femme depuis le début de la législature. La médiane est quant à elle 36% plus élevée pour les hommes.

Nombre moyen de mots prononcés par député (présidents exclus)

On peut aussi regarder la parité parmi les députés qui parlent le plus à l'Assemblée (présidents exclus). Comme on le constate sur le graphique suivant, plus on regarde le haut du classement, plus on trouve des hommes. Parmi les 20 députés les plus bavards, seules 3 sont des femmes.

Pourcentage d'hommes et de femmes parmi les députés les plus bavards (présidents exclus)

Si l'on regarde les différences de temps de parole moyen au sein de chaque groupe de l'Assemblée, on constate le même schéma dans presque tous les groupes : les hommes parlent en moyenne plus que les femmes. La seule exception est le groupe Écologiste, dans lequel les femmes parlent en moyenne plus que les hommes (je rappelle que c'est également le seul groupe avec plus de femmes que d'hommes). Je rappelle que les données présentées ici sont le nombre moyen de mots par députés homme et femme (je divise donc à chaque fois par le nombre de députés hommes et femmes du groupe politique).

Il est à noter que ces chiffres reposent fortement sur quelques fortes personnalités. En effet, dans chaque groupe, le temps de parole est généralement concentré autour d'une poignée de députés qui prennent beaucoup la parole. La parité du temps de parole dépend alors beaucoup de la parité au sein de cette poignée de députés. Par exemple, chez les socialistes et les démocrates, la plupart des députés les plus bavards sont des hommes, d'où un nombre de mots moyen 2 fois supérieur pour les hommes que pour les femmes dans ces groupes.

Enfin, on constate qu'au-delà des différences liées au genre, certains groupes utilisent plus de temps de parole par député que d'autres, et c'est le cas de l'opposition de manière de générale (hormis le RN), tandis que les groupes de la majorité parlent moins.

Nombre moyen de mots prononcés par hommes et femmes dans les différents groupes politiques

Enfin, si on regarde le nombre total de mots prononcés par des hommes et des femmes sur chaque discussion de projet de loi, on obtient le graphique suivant. Les résultats sont à prendre avec précaution, car cela dépend beaucoup de qui sont les rapporteurs sur le projet de loi. De manière générale, on voit une tendance avec une discussion dominée par les hommes pour les questions d'économie et de finance. À l'inverse, les femmes interviennent plus sur les sujets de société et l'environnement. Bien sûr, cela dépend aussi des groupes qui s'intéressent aux sujets en question. Par exemple, il y a plus de femmes que d'hommes dans le groupe Écologiste, ce qui pourrait en partie expliquer pourquoi les femmes interviennent plus sur les questions d'environnement.

Proportion du nombre de mots prononcés par hommes et femmes sur les différents projets de loi

Ce n'est pas les premières données qui tendent à montrer que les femmes ont moins la parole à l'Assemblée. En 2017, Brut avait décompté moins de 4% de temps de parole pour les femmes, mais leur analyse est très discutable puisqu'ils n'ont pris en compte que trois jours de l'Assemblée nationale qui consistent essentiellement à la nomination du bureau de l'Assemblée (dont le président, François de Rugy, était un homme) et à la déclaration de politique du gouvernement (dont le Premier ministre, Edouard Philippe, était un homme). Pendant ces trois jours, il n'y a donc eu ni débat, ni proposition de loi, et très peu de prises de paroles, donc il est selon moi dangereux d'en tirer des conclusions trop rapides. Les données que je présente ici se basent quant à elles sur plus d'une centaine de séances étalées sur plusieurs mois, et sont donc plus représentatives.

Pourquoi les femmes parlent-elles moins (en moyenne) ?

La grande question est maintenant de savoir pour quelle raison le nombre moyen de mots prononcés par les femmes est si bas par rapport à celui des hommes. J'ai cherché à en comprendre les raisons, et j'ai trouvé plusieurs explications possibles.

Hypothèse 1 : les femmes ont pris leurs fonctions plus tard

Tout d'abord, je me suis dit que beaucoup de femmes députées sont peut-être arrivées plus tard, par exemple si elles remplacent un député devenu ministre. Mais le gouvernement ayant été annoncé avant la première séance, presque tous les députés en exercice sont arrivés au même moment.

Hypothèse 2 : les femmes sont moins présentes à l'Assemblée

Une deuxième hypothèse serait que les femmes sont moins investies de manière générale dans les travaux l'Assemblée. Par exemple parce qu'elles participent moins aux séance publiques. En effet, si les femmes viennent moins aux séances publiques, elles vont moins parler. Les graphiques suivants montrent le nombre moyen de séances et de votes solennels auxquels les députés hommes et femmes ont pris part depuis le début de la législature (hors présidence). On ne constate pas de grande différence, ou alors une légère avance des femmes. Dans tous les cas, les femmes ne participent pas moins que les hommes, cela ne peut donc pas expliquer pourquoi les femmes parlent moins que les hommes.

Nombre moyen de séances où les députés ont été présents (présidents exclus)

Hypothèse 3 : les femmes déposent moins d'amendements

Une grosse partie des prises de parole dans l'Assemblée se fait autour de la défense des amendements, des arguments en faveur et des arguments contre ces amendements. Si les femmes déposaient moins d'amendements que les hommes, cela pourrait en partie expliquer pourquoi elles parlent moins dans l'hémicycle. Mais ce n'est pas le cas. En effet, les graphiques suivants montrent le nombre moyen d'amendements déposés et défendus par les députés hommes et femmes depuis le début de la législature. Les deux nombres sont différents car une grosse partie des amendements n'est même pas discutée en séance publique (s'ils sont déclarés irrecevables par exemple).

Même si le nombre moyen d'amendements déposés est un chiffre à considérer avec précaution, puisque beaucoup d'amendements sont de simples copié-collés, il est ici assez clair que les hommes et les femmes déposent en moyenne le même nombre d'amendements. Cela n'explique donc toujours pas pourquoi les femmes parlent moins que les hommes.

Nombre moyen d'amendements déposés (présidents exclus)

Hypothèse 4 : la plupart des rapporteurs sont des hommes

Quand un député présente un amendement, il est ensuite discuté. Le débat se conclut généralement par l'avis de la commission, rapporté par un des rapporteurs, ainsi que par l'avis du gouvernement, suivi d'un vote. Puisque les rapporteurs interviennent sur chaque amendement, leur temps de parole total durant les séances où ils sont rapporteurs est généralement supérieur à la moyenne.

J'ai utilisé les données des comptes-rendus pour identifier tous les députés qui sont rapporteurs sur un texte de loi. Il est à noter que les rapporteurs le sont généralement pour un texte précis, ainsi les rapporteurs sur les gros textes de loi (comme celui du budget) ont davantage parlé que la moyenne des rapporteurs.

Le graphique suivant montre que la disparité entre hommes et femmes parmi les députés et encore plus importante parmi les rapporteurs. Cela peut donc expliquer en partie la différence de temps de parole entre hommes et femmes.

Parité chez les rapporteurs

On peut alors regarder ce qu'il se passe si l'on exclut les rapporteurs de l'analyse, ou si on ne regarde que ces derniers. On constate d'abord que les rapporteurs parlent en effet beaucoup plus que les autres députés (presque deux fois plus en moyenne). Cependant, on constate toujours une grosse différence de nombre de mots prononcés entre hommes et femmes. Dans le groupe des "non rapporteurs", les hommes parlent en moyenne 35% de plus que les femmes, contre 40% dans le cas général. De manière intéressante, l'inégalité est aussi présente au sein du groupe des rapporteurs (qui contient 84 députés, soit près de 15% des députés), avec un nombre moyen de mots prononcés par les hommes qui reste 40% supérieur à celui des femmes.

Nombre moyen de mots prononcés par député (rapporteurs exclus)

Hypothèse 5 : les femmes sont plus succintes

Une autre hypothèse serait que les femmes seraient plus succinctes dans leurs interventions. Pour vérifier cela, il suffit de regarder le nombre moyen de mots dans les interventions des femmes et des hommes à l'Assemblée pour approximer leur longueur. Si on constate une très légère différence de moins de 10% pour le nombre médian de mots par intervention, le nombre moyen de mots par intervention est le même pour les hommes et les femmes. En fait, les femmes font en moyenne moins d'interventions que les hommes. Ce n'est donc pas la longueur des interventions qui explique la différence de nombre de mots prononcés.

Nombre moyen de mots prononcés par intervention (présidents exclus)

La réponse est problablement ailleurs...

Au final, l'étude des données ne nous a pas permis d'expliquer pourquoi les hommes ont en moyenne prononcé 40% de mots en plus que les femmes depuis le début de la législature. La réponse se trouve plus probablement dans les comportements des députés. Par exemple, les hommes se gênent peut-être moins pour prendre la parole que les femmes, ou peut-être que les groupes décident moins de mettre en avant les femmes pour les prises de paroles importantes. Dans un article de l'Humanité, la députée LR Annie Genevard déclare que « Lors des réunions, les hommes prennent souvent la parole en premier et les femmes s’interrogent intérieurement pour savoir si elles doivent intervenir. Quand elles le font, il n’est pas rare de voir les hommes bavarder entre eux ou consulter leur téléphone »,, et ce sentiment est partagé sur les bancs des différents groupes.

Il reste donc bien des inégalités de temps de paroles entre les hommes et les femmes à l'Assemblée, qui s'expliquent probablement plus par des biais de comportements genrés. Mais le déséquilibre est encore plus frappant dans ce qui va suivre.

Les interruptions et réactions

Nous venons de voir que les hommes ont en moyenne prononcé plus de mots que les femmes depuis le début de la législature. Mais cette différence s'accentue si l'on regarde un type de prise de parole particulier : les interruptions. Pour intervenir dans l'hémicycle, il faut normalement que le président vous donne la parole, ce qui vous autorise à aller parler au micro. Très souvent, pendant qu'un orateur est au micro, d'autres députés vont crier des phrases en rapport avec ce qui est en train d'être dit. Cela peut être positif, par exemple "Bravo !" ou "C'est vrai !" ou négatif, comme "Caricature !" ou "C'est faux !", mais cela peut également être des interventions plus longues, comme des blagues (dont nous étudierons le cas un peu plus tard). Comme ces interventions se font sans demander la parole, elles sont catégorisées comme des interruptions. Les extraits de comptes-rendus publiés sur le compte Twitter @OutOfContext_AN sont d'ailleurs très souvent des interruptions.

Ces interruptions représentent 4% du nombre total de mots prononcés par les députés, avec un total de 18 052 interruptions depuis le début de la législature l'été dernier. On constate alors que les interruptions viennent beaucoup plus souvent de députés hommes que femmes. Plus précisément, le nombre moyen d'interruption par députés (présidents exclus) est presque deux fois plus élevé pour les hommes que pour les femmes (38,9 interruptions en moyenne contre 18,9 pour les femmes). De plus, un très petit nombre de députés prononce la grosse majorité de ces interruptions, comme le montre la courbe de distribution du nombre d'interruptions. La médiane du nombre d'interruptions est quant à elle de 3 pour les femmes et de 5 pour les hommes.

Nombre moyen d'interruptions par députés

Encore une fois, on peut regarder le pourcentage d'homme et de femmes parmi les députés qui interrompent le plus. Seule 2 députées sont des femmes parmi les 20 députés qui interrompent le plus. Si on regarde le top 10, il ne reste que des hommes. Spéciale dédicace au député Renaissance Sylvain Maillard avec 895 interruptions, soit plus de 6 par séance, et dont 266 uniquement pour dire "Eh oui !" ou "Très bien !" (cette régularité ne passe d'ailleurs pas inaperçue). On salue également la performance du député RN Jocelyn Dessigny qui interrompt beaucoup mais n'ose apparemment pas prendre parole au micro puisque avec 711 interruptions, 98% de ses interventions en séance sont des interruptions (ce qui correspond à 78% des mots qu'il a prononcés).

Pourcentage d'hommes et de femmes parmi les députés qui interrompent le plus (présidents exclus)

Les députés hommes interrompent plus, mais on peut aussi se demander si les députés les plus interrompus sont les femmes. J'ai donc regardé pour chaque interruption qui était le député qui parlait au micro à ce moment-là. On ne remarque alors pas de différence de traitement en nombre d'interruptions par nombre de mots prononcés entre les hommes et les femmes. On ne peut évidemment pas en conclure qu'il n'y a pas de sexisme dans les interruptions, puisque l'on ne différencie pas ici les interruptions positives des négatives, comme les moqueries et les invectives, mais on peut dire que les députés ne se gênent a priori pas moins pour interrompre un homme qu'une femme.

Nombre moyen d'interruptions subies pour 100 000 mots prononcés

On peut faire la même analyse sur les différentes réactions pendant les prises de parole des députés. En particulier, qui génère le plus d'applaudissements, de protestations, de rires ? Dans un article précédent, j'ai conduit cette analyse en comparant les réactions suscitées par les différents groupes politiques de l'Assemnblée nationale. Ici, je vais comparer les réactions générées par les hommes et les femmes (présidents exclus).

Pour les applaudissements, les femmes sont légèrement plus souvent applaudies que les hommes (15% de plus). Le nombre d'exclamations et de protestations pour 100 000 mots prononcés dans les deux groupes est comparable. Le déséquilibre le plus important est pour les rires et les sourires. En moyenne, un député homme en provoque 3 fois plus qu'une députée femme. Je n'irais pas m'aventurer à dire que les hommes sont plus drôles, mais il est possible qu'ils se permettent plus souvent de faire des blagues. De plus, les blagues se font souvent au cours d'interruptions, et nous avons déjà vu que les hommes en faisaient deux fois plus que les femmes. Cela peut expliquer pourquoi les hommes sont plus souvent cités sur le compte @OutOfContext_AN, comme l'a souligné la députée Raquel Garrido dans le Tweet présenté en introduction.

Dans le graphique suivant, en plus des données brutes, vous pouvez afficher les données normalisées, qui permettent de comparer plus facilement les deux groupes.

Nombre moyen de réactions générées par les députés (pour 100 000 mots prononcés)

Si vous voulez lire l'article complet sur les rires et les blagues à l'Assemblée nationale, vous pouvez le retrouver en cliquant ici.

À suivre...

Dans cet article, nous avons exploré quelques différences de comportement entre les hommes et les femmes à l'Assemblée nationale à partir de l'analyse des données des comptes-rendus. Nous avons pu voir qu'en plus d'être plus nombreux, les hommes parlent en moyenne plus que les femmes dans l'hémicycle. Le constat s'accentue si l'on se concentre sur les interruptions, et encore plus pour les rires provoqués. En revanche, on constate que les femmes et les hommes subissent un nombre équivalent d'interruptions, de protestations et d'applaudissement lorsqu'ils prennent la parole. Il y a évidemment beaucoup d'autres choses à analyser dans les données de l'Assemblée nationale, je vous invite à suivre mon compte Twitter pour ne pas manquer les prochains articles. Si les sujets liés à l'Assemblée nationale vous intéressent, vous pouvez également consulter le site datan.fr et le média du projet Arcadie projetarcadie.fr.

@DelemazureTheo

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